10/10/2022 -

Pourquoi de la recherche à l’Atelier TLPA ?

- L’Atelier TLPA inaugure une série d’écrits thématiques avec un premier article intitulé : pourquoi de la recherche à l’Atelier TLPA ?

L’architecte, l’urbaniste et plus généralement les professionnels de l’aménagement sont des acteurs clés de l’évolution et de la fabrication des territoires. En cela, ils ont un pouvoir d’agir sur les sociétés qui est d’autant plus fort alors même qu’un nouveau « paradigme écologique1 » doit se mettre en place. Chacun le sait, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités2 ». Cette nécessaire prise de conscience conduit aujourd’hui à la création d’un poste de recherche à l’Atelier TLPA qui contribuera moins à légitimer un discours qu’à le construire.

Cet article inaugure une série d’écrits thématiques qui investigueront des sujets transversaux émergeant de la production architecturale et urbaine de l’agence. Ce premier chapitre a pour visée d’expliciter les volontés qui sous-tendent la création de ce poste de recherche.

Pour maintenir un mouvement…

L’Atelier TLPA est aujourd’hui solide d’une expérience de près de dix ans dans le Finistère et les départements adjacents. Années après années, l’atelier a évolué au fil des projets et des personnes qui ont contribué à son essor : les profils se sont diversifiés, les projets se sont fait plus riches et plus nombreux. Cette évolution, particulièrement visible ces trois dernières années, amène indéniablement son lot de questions : comment ne pas se laisser submerger par ce changement d’échelle ? Comment faire de cet accroissement une chance d’aller plus loin dans les réflexions ?

En résumé, comment ne pas devenir une « grosse agence généraliste qui n’a rien à dire » ?

La notion de recherche au sein d’une agence d’architecture et d’urbanisme n’est pas nouvelle puisqu’elle est intrinsèquement liée au projet. Le processus de conception est une enquête qui mobilise une part de théorie et qui mène le concepteur à formuler une réponse dessinée. Cette exploration est néanmoins appliquée à une commande sur la base d’un partenariat entre un commanditaire, le maître d’ouvrage, et la maîtrise d’œuvre. En cela, elle est conditionnée à une obligation de résultat, ici un projet urbain ou bâti. La recherche envisagée comme « fin en soi, ayant valeur intrinsèque3 » n’est pas développée massivement dans les agences d’architecture et d’urbanisme, par manque de « lieu, temps ou personne4 ». Pourtant elle peut, au même titre que la conception et le projet, contribuer à métamorphoser le réel par sa « capacité à transformer les regards5 », à remettre en doute les acquis et donc à maintenir l’agence en mouvement.

Pour prendre du recul et mieux avancer

Les conditions souvent verrouillées des projets d’architecture et d’urbanisme et leurs temporalités ténues rendent difficile les tentatives de sortir du cadre. Pourtant, il arrive que certaines commandes, de par les interlocuteurs ou même la question posée, installent des modalités propices à questionner les manières de faire projet.

Cette souplesse et ce climat de confiance constituent des ressources pour « innover » en matière d’outils mobilisés, d’expertises produites, de représentations graphiques, dans le cadre des projets eux-mêmes. Ces expérimentations, empiriques, spontanées et émergeant directement des productions architecturales et urbaines de l’atelier ne bénéficient pas d’une prise de recul, par manque de temps. Ce poste de recherche proposera cet espace de distanciation nécessaire ayant pour but d’approfondir « les questions soulevées au cours des projets6 » en proposant une ressource théorique et documentaire pour faire évoluer les pratiques ou affiner des habitudes de travail. Ainsi, il se donnera pour horizon « d’ouvrir de nouveaux possibles cognitifs, processuels ou techniques7 ».

Pour (re)faire place aux idées

L’architecte ou l’urbaniste n’est pas celui qui construit à proprement parler. Cette réalité pose la question de son expertise alors même que celui-ci est souvent regardé sous le seul angle de sa production bâtie. L’activité projectuelle se décompose en deux capacités dont la première consisterait à avoir une lecture globale du processus de projet et à l’organiser. La deuxième, moins évidente à saisir, est la faculté à imaginer l’espace se transformer selon une éthique et des convictions propres au concepteur. Cette aptitude passe d’abord par la formulation d’une ou plusieurs idées qui constituent par la suite le socle conceptuel sur lequel l’ensemble du projet va reposer. Le projet dépasse la question du bâti et cette plus value du concepteur doit être garantie par la prise de recul.

« On ne vend pas un projet, on vend des idées !8 »

Il existe une difficulté de la profession à bien communiquer sur son expertise et à valoriser cette faculté à proposer des idées sur la société. En diversifiant ses médiums d’expression, notamment par l’expression écrite sur des thématiques choisies, l’Atelier TLPA réaffirme la place centrale des idées dans la pratique. Il communique également sur son aptitude à intervenir en dehors du champ strict de la maîtrise d’œuvre en ouvrant le champ de ses expertises (médiation, programmation, études prospectives, etc.).

Pour initier un dialogue interprofessionnel

Les projets naissent toujours d’une réflexion interprofessionnelle, l’architecte et l’urbaniste ne travaillant jamais seuls. Cette coopération est néanmoins, comme la réflexion, liée à un partenariat contractuel qui détermine le cadre, la temporalité et les modalités de l’action. Il est pourtant très courant de partager des idées communes, au détour d’une conversation fugace après une réunion, avec un partenaire du projet ou un maître d’ouvrage particulièrement engagé. Ces rencontres font oublier, le temps d’un instant, les rôles professionnels de chacun au profit d’un échange franc sur la manière dont est envisagée la transformation des territoires aujourd’hui sans que celui-ci ne puisse se prolonger sur une réflexion collective.

La mise en place d’une activité de recherche au sein de l’agence permettra d’initier un dialogue détaché de toute commande avec des acteurs du territoire finistérien et de multiplier les points de vue sur des sujets de société. En croisant les compétences et les références voire les disciplines, il est envisagé de construire « une autre façon de voir et penser le monde9 » en comblant les lacunes et impensés que nous impose notre profession de concepteur.

Pour le plaisir…

Il serait hypocrite de justifier cette activité de recherche seulement par les volontés citées ci-dessus. Elle découle aussi et surtout d’un plaisir partagé à débattre, à enquêter et à soupeser des sujets liés aux manières de faire projet. Cette culture du dialogue, qui se manifeste déjà de manière informelle au quotidien, est néanmoins fragilisée par la cadence des projets et l’accroissement de l’atelier. Ce poste s’inscrit dans la volonté de pérenniser, solidifier et garantir la tenue et le développement de ces débats dans un moment charnière où l’efficience pourrait primer sur les idées, où le résultat pourrait primer sur le processus.

En définitive…

Toute profession gagne à se questionner au regard des différents enjeux qui la traversent. L’intersection d’une pratique quotidienne, ancrée dans son territoire et d’une activité de recherche détachée de toute commande est une occasion de se redéfinir soi-même tout en participant à l’évolution du métier.

Introduire une pratique de recherche au sein de l’agence, c’est introduire sciemment un grain de sable dans l’engrenage d’une pratique quotidienne. Ce qui compte, ce n’est pas ce qu’on va trouver, c’est de rester toujours en mouvement, en alerte et de considérer que cette « intranquillité de la pratique10 » peut être créatrice.

1. Younès, Chris. « L’intranquillité de la recherche architecturale », Hermès, La Revue, vol. 72, no. 2, 2015, p85

2. Ben Parker, Spiderman

3. Rollot, Mathias. « La recherche architecturale : repères, outils, analyses », Éditions de l’Espérou, 2019, p73

4. Guénot, Mélanie. « Entre ethos professionnel et logiques d’entreprises : la recherche et l’innovation dans les agences d’architecture », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, 2020, p12

5. Rollot, Mathias. « La recherche architecturale : repères, outils, analyses », Éditions de l’Espérou, 2019, p90

6. Guénot, Mélanie. « Entre ethos professionnel et logiques d’entreprises : la recherche et l’innovation dans les agences d’architecture », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, 2020, p10

7. Rollot, Mathias. « La recherche architecturale : repères, outils, analyses », Éditions de l’Espérou, 2019, p90

8. Tristan La Prairie, dans ses bons jours !

9. Younès, Chris. « L’intranquillité de la recherche architecturale », Hermès, La Revue, vol. 72, no. 2, 2015, p86

10. En référence au titre « L’intranquillité de la recherche architecturale », Younès, Chris, Hermès, La Revue, vol. 72, no. 2, 2015

Références de l’article :

 Younès, Chris. « L’intranquillité de la recherche architecturale », Hermès, La Revue, vol. 72, no. 2, 2015
 Rollot, Mathias. « La recherche architecturale : repères, outils, analyses », Éditions de l’Espérou, 2019
 Guénot, Mélanie. « Entre ethos professionnel et logiques d’entreprises : la recherche et l’innovation dans les agences d’architecture », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, 2020

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